Pour les principaux responsables de la recherche agronomique française, favoriser les pratiques agricoles innovantes permettrait de réduire largement les émissions de gaz à effet de serre.
« Climat : l’agriculture fait partie de la solution »
À partir du 02/12/2016
Les débats autour de l’agriculture de demain divisent l’opinion : « Les OGM permettront-ils de vaincre la faim dans le monde ? » « Etes-vous dans le camp de l’agro-écologie ou dans celui des biotechnologies ? » « L’avenir appartient-il à l’agriculture paysanne ou à l’agriculture industrielle ? » Les scientifiques savent désormais que le temps n’est plus aux conflits stériles : la sécurité mondiale, la santé et même la survie de beaucoup d’êtres humains sont en jeu. Les changements climatiques affectent sensiblement la production agricole et plusieurs millions de personnes ont déjà dû quitter leur pays, touchées par des sécheresses ou des inondations. Face à l’urgence, à la diversité des situations et à la globalité des enjeux, il nous faut sortir des logiques binaires où il n’existe qu’une seule solution, à l’exclusion de toutes les autres, pour répondre à des problèmes complexes par des solutions concrètes.
L’accord international de Paris sur le climat, qui vient d’entrer en vigueur, offre une vraie opportunité : le texte et l’agenda des solutions issus de la COP21 mentionnent enfin l’agriculture et l’alimentation. 94 % des contributions nationales volontaires des pays à la mise en œuvre de l’accord impliquent des actions d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre ou d’adaptation des systèmes agricoles et alimentaires aux nouvelles conditions climatiques. Ces actions s’accompagnent souvent d’un appel à un financement international conséquent. Pour ces deux raisons : c’est le moment ! Il faut agir en fournissant un cadre politique, financier et technique concret pour des solutions adaptées aux pays, aux acteurs et aux milieux.
Augmenter les capacités de stockage du carbone dans les sols
L’agriculture est une partie du problème, mais aussi une partie de la solution. Avec les sols et leurs changements d’usage, l’élevage, les cultures et les forêts, elle émet 24 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Néanmoins, dans le secteur forestier, si l’on parvient à stopper la déforestation, l’effet net de séquestration de carbone est avéré. La consommation de bois comme matériau, matière première ou combustible en substitution à du carbone fossile contribue aussi à diminuer ces émissions. Les sols peuvent également en atténuer le solde, si nous les enrichissons en carbone organique par des pratiques agricoles ad hoc. Les scientifiques ont montré qu’une augmentation annuelle de 0,4 % des capacités de stockage du carbone dans les sols permettrait de neutraliser la totalité de la production annuelle de gaz à effet de serre liée à l’activité humaine, tous secteurs confondus. L’initiative internationale « 4 pour 1000, des sols pour la sécurité alimentaire et le climat » défend ce principe. Lancée par le ministre français de l’agriculture en 2015 à la COP21, elle est passée ce jeudi 17 novembre en phase opérationnelle à Marrakech à la COP22. Elle rassemble aujourd’hui 170 institutions de 30 pays et poursuit un double objectif : la sécurité alimentaire à travers une meilleure fertilité organique des sols et la lutte contre les changements climatiques grâce à l’accroissement durable du stock de carbone des sols. Il s’agit d’inciter les agriculteurs au maintien des prairies pour l’élevage, à la coexistence de cultures et d’arbres, à l’association de plusieurs espèces ou variétés pour augmenter leur résilience, à l’ajustement des doses d’engrais grâce au numérique, au développement de pratiques agro-écologiques comme l’agriculture de conservation qui préserve la qualité biologique des sols. En parallèle, il faut inventer de nouvelles manières saines et durables de produire, de transformer et de consommer la nourriture. Elles ne doivent ni épuiser les ressources naturelles ni dégrader les milieux, tout en offrant des emplois et des revenus suffisants aux producteurs. Il s’agit ainsi de mobiliser largement les acteurs pour caractériser sur le terrain les pratiques agricoles innovantes et les diffuser. Evidemment, cela n’exempte pas de réduire en priorité les émissions de gaz à effet de serre car les 0,4 % seront très difficiles à atteindre. Nos organisations de recherche y travaillent activement, en France et à l’étranger. Nos établissements de formation réunis dans Agreenium se mobilisent pour assurer la construction des compétences nécessaires à ces nouvelles approches. Des solutions existent déjà : il reste à les appliquer plus largement, il reste à financer l’adaptation des agricultures du monde dans leur diversité.
Un pacte de co-développement entre l’Afrique et l’Europe
Ces changements, enfin, sont impératifs et urgents pour la stabilité et la sécurité. L’attention doit porter sur les pays africains, méditerranéens et européens. En Europe, la politique agricole future doit beaucoup plus qu’aujourd’hui aider les agriculteurs à gérer les risques, à atténuer les émissions, à épargner les ressources naturelles. Dans les pays en développement, la pauvreté et les désastres climatiques vont chasser de leurs terres des populations qui deviendront des réfugiés climatiques. La population du continent africain aura doublé dans trente ans ; assurer un avenir chez elles aux populations pauvres des campagnes leur évitera de devenir les misérables des villes et les migrants de demain. En complément de l’aide d’urgence, un grand pacte de co-développement entre l’Afrique et l’Europe, centré sur l’agriculture et le développement d’activités en milieu rural, est nécessaire. Grâce à des investissements publics et privés massifs, il permettrait de renforcer sécurité et stabilité dans l’avenir. Il faut que l’Union européenne prenne une initiative forte en ce sens ; nos communautés scientifiques européennes, africaines et mondiales sont prêtes à se mobiliser. Face à de tels défis, l’urgence est en effet à l’action sous toutes ses formes, dès maintenant.
SOURCE : lemonde.fr
Augmenter les capacités de stockage du carbone dans les sols
L’agriculture est une partie du problème, mais aussi une partie de la solution. Avec les sols et leurs changements d’usage, l’élevage, les cultures et les forêts, elle émet 24 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Néanmoins, dans le secteur forestier, si l’on parvient à stopper la déforestation, l’effet net de séquestration de carbone est avéré. La consommation de bois comme matériau, matière première ou combustible en substitution à du carbone fossile contribue aussi à diminuer ces émissions. Les sols peuvent également en atténuer le solde, si nous les enrichissons en carbone organique par des pratiques agricoles ad hoc. Les scientifiques ont montré qu’une augmentation annuelle de 0,4 % des capacités de stockage du carbone dans les sols permettrait de neutraliser la totalité de la production annuelle de gaz à effet de serre liée à l’activité humaine, tous secteurs confondus. L’initiative internationale « 4 pour 1000, des sols pour la sécurité alimentaire et le climat » défend ce principe. Lancée par le ministre français de l’agriculture en 2015 à la COP21, elle est passée ce jeudi 17 novembre en phase opérationnelle à Marrakech à la COP22. Elle rassemble aujourd’hui 170 institutions de 30 pays et poursuit un double objectif : la sécurité alimentaire à travers une meilleure fertilité organique des sols et la lutte contre les changements climatiques grâce à l’accroissement durable du stock de carbone des sols. Il s’agit d’inciter les agriculteurs au maintien des prairies pour l’élevage, à la coexistence de cultures et d’arbres, à l’association de plusieurs espèces ou variétés pour augmenter leur résilience, à l’ajustement des doses d’engrais grâce au numérique, au développement de pratiques agro-écologiques comme l’agriculture de conservation qui préserve la qualité biologique des sols. En parallèle, il faut inventer de nouvelles manières saines et durables de produire, de transformer et de consommer la nourriture. Elles ne doivent ni épuiser les ressources naturelles ni dégrader les milieux, tout en offrant des emplois et des revenus suffisants aux producteurs. Il s’agit ainsi de mobiliser largement les acteurs pour caractériser sur le terrain les pratiques agricoles innovantes et les diffuser. Evidemment, cela n’exempte pas de réduire en priorité les émissions de gaz à effet de serre car les 0,4 % seront très difficiles à atteindre. Nos organisations de recherche y travaillent activement, en France et à l’étranger. Nos établissements de formation réunis dans Agreenium se mobilisent pour assurer la construction des compétences nécessaires à ces nouvelles approches. Des solutions existent déjà : il reste à les appliquer plus largement, il reste à financer l’adaptation des agricultures du monde dans leur diversité.
Un pacte de co-développement entre l’Afrique et l’Europe
Ces changements, enfin, sont impératifs et urgents pour la stabilité et la sécurité. L’attention doit porter sur les pays africains, méditerranéens et européens. En Europe, la politique agricole future doit beaucoup plus qu’aujourd’hui aider les agriculteurs à gérer les risques, à atténuer les émissions, à épargner les ressources naturelles. Dans les pays en développement, la pauvreté et les désastres climatiques vont chasser de leurs terres des populations qui deviendront des réfugiés climatiques. La population du continent africain aura doublé dans trente ans ; assurer un avenir chez elles aux populations pauvres des campagnes leur évitera de devenir les misérables des villes et les migrants de demain. En complément de l’aide d’urgence, un grand pacte de co-développement entre l’Afrique et l’Europe, centré sur l’agriculture et le développement d’activités en milieu rural, est nécessaire. Grâce à des investissements publics et privés massifs, il permettrait de renforcer sécurité et stabilité dans l’avenir. Il faut que l’Union européenne prenne une initiative forte en ce sens ; nos communautés scientifiques européennes, africaines et mondiales sont prêtes à se mobiliser. Face à de tels défis, l’urgence est en effet à l’action sous toutes ses formes, dès maintenant.
SOURCE : lemonde.fr